J’appelle à la Jacquerie des fous et des fêlés
Louis Lafabrié
Ainsi ça ne va pas, je te le dis, ça ne va pas. Le mal des mots appris me ronge. Aucune foi qui me portait ne me soutient. Je suis dans le vide de mes croyances acquises. On a tant voulu me formater jusque dans ma propre folie. On a même privé ma voix de ses hurlements. La seule vérité qu’on me tolérait était celle des clous de ma crucifixion. Marcher dans les clous, oui, voilà. Sans rédemption. Et sans promesse de résurrection. Évidemment. Qu’attendre d’un fou dans une société qui s’ingénie chaque jour davantage à les parquer pour mieux les oublier ?
Ainsi ça ne dure pas, je te le dis, ça ne dure pas. Un jour les fous se rassembleront et sortiront de leurs enfers. Ils crieront : « Rupture ! Rupture ! » Et tous ceux qui ont à vif quelques fêlures se joindront à eux, c’est-à-dire, vous, moi. Moi parce que je le sais. Vous parce que peut-être vous ne le savez pas encore mais ne la ressentez-vous pas, déjà, cette fêlure, cette faille qui lamine vos entrailles et qui vous porte à la nausée de tout ce que la société vous a fait ingurgiter depuis les jours d’avant votre naissance ?
Ainsi ça finit mal, mal, mal. J’appelle à la Jacquerie des fous et des fêlés. À la Jacquerie de celles et ceux qui se souviennent encore des fleurs et des ciels colorés de leur enfance, des sources vives et des nuages, des oiseaux et du vent et des essaims d’abeilles, des milliers de soleils bleus et de lunes rousses, rousses comme les renards roux qui fuient les chasseurs dans les campagnes d’automne. J’appelle à la Jacquerie des poètes. Et vivons. A la marge du temps !
(c) Louis Lafabrié, en écho à Lello Voce, Lodève, juillet 2011