Rencontre avec Georges Issiot
« Je suis un peu sourdingue », il m'a prévenue après m'avoir fait répéter trois fois ma question Où tu vis ? Tu vis où ? Où c'est que tu habites? « À Ournes, dans la commune de Capdenac-le-Haut », il a dit. Et j'ai dit, en même temps que lui « là où ils ont fait le centre commercial », preuve que je commençais à être d'ici, à prendre les mêmes repères. Le centre commercial que Figeac avait refusé pour garder vivant son centre, et qui s'était installé dans le bourg à côté.
Georges a commencé par sa naissance. « Je suis né à Ournes. Je suis un enfant d’ici. Je nais en 44 en janvier. À l’époque, on naissait à la maison. Paysan, fils de paysan. L’agriculture que je vois maintenant, elle me désole. Ils ont empoisonné les terres et les gens et engraissé Monsanto et compagnie. Les agriculteurs, aujourd'hui, je dis souvent que c'est les ouvriers des multinationales. »
Georges commençait souvent ses phrases par « « je dis souvent ». Et j'avais l'impression, conversant avec lui pour la première fois, de rejoindre les mille échanges qu'il devait avoir eus devant la mairie de Capdenac, le long de ses champs avec un voisin agriculteur, à la boulangerie le matin, ici au Champollion le midi, au club de vélo au milieu des bénévoles.
Et ces incises qui voulaient avouer joyeusement en même temps une citation et un radotage ne me conviaient que plus encore au présent d’un être dont ni la verve ni la tendresse n’étaient lasses. J'ai pensé que le monde ira mieux lorsque Georges n'aura plus besoin de redire ce qu'il a déjà dit. Et qu'il a raison, alors, de le dire et redire.
« Moi je dis souvent : qu’est-ce qu’ils peuvent être cons ces pseudo intelligents ».
« Moi je dis souvent, on est interdépendants. »